Zones agro-écologiques

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Mesure du potentiel des terres agricoles

Au cours des trois prochaines décennies la production vivrière mondiale augmentera plus vite que la population, mais la dénutrition restera endémique. C'est la principale conclusion du rapport de la FAO Agriculture: Horizon 2015/30, publié cette année au mois de juillet. Les prévisions du rapport, qui ont été largement citées, sont le fruit de mois de calculs auxquels s'est livré un projet conjoint de la Division de la mise en valeur des terres et des eaux (AGL) et de l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA). A l'aide d'un nouvel instrument d'évaluation des ressources foncières, le Système mondial de zones agro-écologiques (MZAE), le projet a constitué un ensemble gigantesque de données sur les climats, les sols et les terrains concernant la plus grande partie des terres émergées du globe. Résultat: évaluation de l'adaptation des cultures et de la productivité des terres pour le monde entier. Agriculture 21 a demandé des détails à Freddy Nachtergaele, spécialiste de la classification des terres de l'AGL...


Qu'est-ce que le système mondial de zones agro-écologiques?

En collaboration avec l'IIASA, AGL a mis au point ces dernières 25 ans une méthode de zones agro-écologiques (ZAE), qui offre un cadre normalisé pour caractériser les conditions du climat, des sols et des terrains pertinentes en matière de production agricole. ZAE a été utilisé dans plusieurs pays - notamment au Bangladesh et au Canada - pour évaluer les potentiels de la production agricole. Si ZAE est aujourd'hui une approche mondiale, c'est à la révolution de l'information qu'on le doit - la disponibilité de bases de données numériques mondiales sur les paramètres climatiques, la topographie, les sols et les terrains, le couvert végétal et la répartition démographique. Ces données nous ont permis non seulement de réviser et d'améliorer les procédures de calcul de ZAE, mais d'étendre les évaluations de l'adaptation des cultures et de la productivité des terres aux milieux tempérés et boréaux. Nous pouvons faire aujourd'hui des évaluations mondiales du potentiel agricole.

En termes simples, en quoi consiste la méthodologie MZAE à l'échelle de la planète? Le cadre ZAE comprend trois éléments fondamentaux. Le premier élément c'est ce que nous appelons les « types d'utilisation des terres », c'est-à-dire les systèmes de production agricole avec des rapports définis entre les facteurs de production et la gestion, et des impératifs en matière d'environnement et des caractéristiques d'adaptation propres à une culture. Le deuxième élément ce sont les données géo-référencées relatives aux climats, sols et terrains qui sont combinées dans une base de données sur les ressources foncières. Le troisième élément fondamental, c'est la procédure utilisée pour calculer les rendements potentiels en faisant correspondre les cultures et impératifs en matière d'environnement des types d'utilisation des terres avec les caractéristiques de l'environnement figurant dans la base de données.

Que contient la base de données de MZAE sur les ressources foncières Nous nous sommes servis de la Carte numérique des sols du monde FAO-Unesco pour créer une base de données sur les terres émergées avec plus de 9,2 millions de mailles, plus des tables d'association et d'attribut des sols, une base de données sur la répartition des pentes, et une couche fournissant des distributions selon onze classes générales de couvert végétal.

En ce qui concerne le climat, nous avons utilisé un ensemble récent de données climatiques mondiales compilées par le Centre de recherche climatique de l'Université d'East Anglia. Cette base de données contient des moyennes climatiques pour la période 1961-90, ainsi que des données d'année en année pour la période 1901-1996. Celles-ci sont utilisées pour caractériser chaque maille d'un demi degré en termes de climats thermiques, de profils de température, de sommes de températures cumulées, de longueur des périodes végétatives et de déficits hydriques. Les pentes de terrain sont calculées à partir de la Global 30 Arc Second Elevation Database, base de données élaborée au USGS Eros Data Center. A l'IIASA, des règles basées sur les différences d'altitude de mailles voisines ont été appliquées pour compiler une base de données sur la répartition terrain-pente avec sept classes de fourchette de pente moyenne.

Comment avez-vous évalué la productivité des cultures? En ce qui concerne les terres non irriguées, nous avons utilisé un modèle de bilan hydrique pour quantifier le début et la longueur de la période pendant laquelle il y a suffisamment d'eau pour soutenir la croissance végétale. Les conditions d'humidité du sol ainsi que d'autres caractéristiques climatiques - comme le rayonnement et la température - ont été utilisées dans un modèle simplifié de croissance végétale pour calculer la production et le rendement de biomasse potentiels. Pour l'évaluation de la productivité des terres irriguées, nous avons utilisé la longueur de la période où les températures sont favorables à la croissance végétale pour faire concorder la longueur du cycle végétatif et pour calculer la production et le rendement de biomasse.

Les rendements potentiels ainsi calculés sont alors combinés de manière semi-quantitative avec un certain nombre de facteurs de réduction directement ou indirectement liés au climat (comme les ravageurs et les maladies), et avec les conditions du sol et du terrain. Les facteurs de réduction, qui sont successivement appliqués aux rendements potentiels, varient selon le type de culture, le climat, les conditions du sol et du terrain, et les hypothèses au niveau des facteurs de production et de la gestion. Pour déterminer les potentiels de productivité des terres irriguées, nous sommes partis de l'hypothèse que des ressources en eau de bonnes qualités sont disponibles et que l'infrastructure de l'irrigation est en place. En d'autres termes, les procédures déterminent les zones où le climat, les sols et la physiographie permettent les cultures irriguées, mais n'évalue pas si l'approvisionnement en eau est suffisant. Mais le système de MZAE à l'échelle de la planète pourrait être facilement lié à des données sur les bassins versants pour déterminer les limites de la disponibilité en eau.

Quelles sont les principales conclusions de l'étude MZAE? Compte tenu du climat actuel et des principaux types de culture modélisés dans le MZAE à l'échelle de la planète - et avec une utilisation optimale des systèmes à faible, moyenne et forte intensité d'intrants - nous avons conclu qu'un peu plus du quart des terres émergées de la planète peuvent être considérées comme "suffisamment aptes" aux cultures. Pour les pays développés cela représente environ 20% et pour les pays en développement environ 30% de leurs terres émergées respectives. Cette prévision approximative de terres cultivables représente, selon les statistiques de la FAO, deux fois les superficies cultivées en 1994-96. Nous avons donc déclaré que les ressources foncières et climatiques de la Terre sont suffisantes pour faire face aux besoins alimentaires des 8,9 milliards de personnes que devrait compter le monde en 2050.

Toutefois, nous ne pensons pas que les superficies de terres cultivées - à l'échelle mondiale - augmentent beaucoup. La plus grande partie de la hausse de la production vivrière proviendra d'améliorations dans l'utilisation des facteurs de production et de la technologie, notamment dans les régions en développement où l'écart entre les rendements actuels et potentiels est encore important. De fait, une expansion majeure des terres cultivées n'est pas souhaitable pour des raisons d'ordre écologique, en raison des incidences évidentes pour la biodiversité et pour les cycles biogéochimiques mondiaux.

Globalement, au moins, les perspectives sont encourageantes... Globalement, oui. Mais, dans plusieurs régions le potentiel de cultures irriguées est déjà épuisé, notamment dans certaines parties de l'Asie. Sur la base des données dont on dispose actuellement, l'approche MZAE à l'échelle de la planète permet d'estimer que 10,5 milliards d'hectares - soit plus des trois quart des terres émergées du globe - sont affectés de facteurs limitants pour les cultures pluviales. Dans l'hypothèse de ressources en eau disponibles, on a évalué que 1,8% seulement des zones arides et hyperarides constituent des terrains de première qualité pour faire des céréales sous irrigation. Dans l'ensemble, l'analyse conclut que 3,5% seulement des terres émergées peuvent être considérées comme exemptes de facteurs limitants. Ce n'est que dans certaines parties de l'Europe que le pourcentage de terres pratiquement exemptes de facteurs limitants atteint 20% et plus.

Quels plans avez-vous pour le système de zones agro-écologiques à l'échelle de la planète? Nous disposons maintenant d'une vaste expérience sur l'application de ZAE aux niveaux national, régional et mondial, et nous considérons qu'il s'agit d'une source d'information très complète pour les décideurs, en particulier les organisations nationales et internationales s'occupant d'agriculture, des terres et des eaux, de la sécurité alimentaire, de la variabilité du climat et du changement climatique. Outre le perfectionnement que nous souhaitons apporter en général à la méthodologie de base et aux donnés, nous voulons ajouter des données sur les ressources en eau dans la base de données MZAE à l'échelle de la planète, et utiliser le modèle de l'IIASA - Climate and Human Activities-sensitive Runoff Model (CHARM) - pour améliorer l'évaluation des potentiels de production irriguée au niveau des bassins versants. Nous prévoyons aussi des études ZAE spécifiques sur les effets de la variabilité du climat sur la sécurité alimentaire dans la Corne de l'Afrique, en Afrique australe, au Bangladesh et en Chine.


Visiter le site web de l'AGL, Global Agro-Ecological Zones 2000 [1]